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CORRE Histoire locale & Patrimoine

Colonne au dieu cavalier

7 Novembre 2018

 

Un élément archéologique important vient d’être découvert à Corre, plus justement Il faudrait dire redécouvert car en 1709, le savant jésuite et archéologue Pierre Joseph Dunod, dans son ouvrage « Les méprises des auteurs de la critique d’Antre » p.208/209 nous indique qu’en 1702, « un paysan laboureur labourant la terre trouva une statue équestre et une autre statue à cinquante pas du confluent des deux rivières ; on y voit encore à cet endroit des bâtiments publics », etc.

L’élément qui vient d’être redécouvert est la partie arrière d’un cheval cabré avec une partie du vêtement du cavalier, on remarque également la mortaise dans laquelle était fixé avec une goupille, le tenon de la queue du cheval (cI-dessous).

Partie gauche du cheval. CP. Jean-Pierre Kerrio

Partie gauche du cheval. CP. Jean-Pierre Kerrio

Partie arrière du cheval. CP. Jean-Pierre Kerrio

Partie arrière du cheval. CP. Jean-Pierre Kerrio

Deux autres éléments proviennent de Corre, une tête de cheval avec son encolure, ainsi qu’un chapiteau orné de quatre têtes de divinités, font partie de la collection Barbey et sont visibles au musée Garret de Vesoul (ci-dessous), à noter que la partie arrière du cheval rejoindra bientôt les autres éléments au musée Garret.

Chapiteau aux quatre têtes. CP. Claude Henri Bernardot.

Chapiteau aux quatre têtes. CP. Claude Henri Bernardot.

Tête du cheval. CP. Claude Henri Bernardot.

Tête du cheval. CP. Claude Henri Bernardot.


Ces trois éléments découverts à Corre permettent d’affirmer avec une faible marge d’erreur qu’une colonne au dieu cavalier se dressait fièrement au confluent des deux rivières la Saône et le Côney (ci-contre, colonne de Gannstatt, p.109 de Pierre Lambretchs, 1951, Divinités équestres celtiques).

Quelles sont les significations de ces colonnes au dieu cavalier et pourquoi une à Corre ?

La littérature abondante sur le sujet nous indique la présence de ce type de colonne majoritairement dans la région comprise entre le Rhin et la Meuse, on en trouve également sur le territoire des Lingons, des Leucques, des Séquanes, des Edeuns et quelques exemplaires en Flandre, en Bretagne et dans le massif central.

Cette même littérature nous donne des explications très différentes concernant la signification de ces monuments. Il y a les partisans de monuments pour honorer les dieux de l’époque, d’autres penchent pour des monuments héroïsant des défunts, d’autres privilégient la célébration d’une victoire militaire, d’autres encore pensent à des constructions destinées à indiquer des points géographiques importants.

Dans un article paru en 2013 « L’enclos d’une colonne de Jupiter à Bavilliers » 2013, tome 62 R.A.E. Annaïg Le Martret nous indique : « Les sites de Luxeuil, Corre, Obenheim et Neuwiller se rapportent à des trouvailles d’éléments de statuaire dont le « contexte archéologique » est inconnu. ». Cet auteur a totalement raison et je la félicite pour la qualité de son article relatif au site de Bavilliers : on ne peut qu’inciter nos administrations à aider la DRAC à se pencher à nouveau sur le cas de Corre et d’autres sites, en programmant par exemple des campagnes préventives de sondages géophysiques (non invasifs, non destructifs) afin de mieux pouvoir cibler les opérations déclenchées dans le cadre de travaux importants et qui sont souvent faites dans l’urgence, sous pression, générant souvent de l’incompréhension, voire du mécontentement.

Corre était un lieu antique d’une importance certaine, une situation géographique remarquable au confluent de deux rivières, le croisement de deux voies romaines d’importance, la jonction terrestre et fluviale entre les pays du Nord et du Sud, déjà à cette époque Lucius Vetus avait conçu le projet d’un canal reliant la Moselle toute proche à la Saône. Les écrits anciens nous parlent de deux aqueducs à Corre, les très nombreux vestiges archéologiques découverts à Corre, qui en font la plus belle collection archéologique de la haute Saône, au musée Garret à Vesoul. Et tout cela sans aucune campagne de fouille, juste des découvertes aléatoires.

A noter un point important, nous avions une colonne au dieu cavalier à chaque extrémité de cette voie de portage, celle de Portieux sur la Moselle (actuellement au musée d'Epinal) et celle de Corre sur la Saône.

Toujours dans son article Annaïg Le Martret nous indique : « Aucune corrélation géographique n’a pu être mise en évidence pour des secteurs en limite de cités ou à proximité des voies de communication à forte fréquentation, Par ailleurs, le rôle, souvent évoqué, des sources ou des cours d’eau n’apparaît pas clairement déterminant ».

Effectivement rien n’est déterminant à Corre, ou plutôt toutes les constations prises isolément sur d’autres sites s’y trouvent réunies, confluent, axes de circulation, cité, nombreuses sources dont une source d’eau minérale y compris la présence à proximité d’une statue pédestre d’un Jupiter à l’anguipède, également découverte en 1702, actuellement au musée de vesoul  (ci-contre, photographie Claude-Henri Bernardot).

Personnellement je pencherais plutôt pour une signification militaire, de commémoration de puissance et de batailles gagnées, mettant l’accent sur la supériorité des dieux de Rome sur ceux des peuples gaulois. Quand on regarde la carte des emplacements de ces colonnes, établie par Annaïg Le Martret (ci-contre) et qu’on y superpose le parcours des troupes de César pendant la guerre des Gaules (carte source Vikidia), on est frappé par la coïncidence géographique


A Corre on pourrait situer l’emplacement de cette colonne sur la place, voire sur le quai du port antique dans l’axe du cardo, elle serait alors située quasiment les pieds dans l’eau car le lit de la Saône passait à cet endroit avant sa dérivation plus à l’ouest lors de la réalisation du canal. Nous travaillons actuellement sur les archives de la construction du canal de l’Est (Archives dép. des Vosges) pour affiner le positionnement.

Après les découvertes générées par les travaux agricoles, puis en 1870, (création du canal de l’Est), en 1975 (réalisation d’une unité de traitement des eaux) et en 1995 (création de la marina), ce site a subi des travaux importants, ce qui a permis la découverte d’autres éléments archéologiques. Certains furent collectionnés et transmis à des musées (Besançon, Vesoul), d’autres sont toujours chez des particuliers, enfin certains furent remisés et oubliés c’est le cas de cette partie arrière de la statue équestre retrouvée dans une caisse, au fond d’un garage. Un grand merci à celui qui nous a contacté et transmis cette pièce unique, nous permettant ainsi de progresser dans notre connaissance du patrimoine de Corre et de son histoire.

Nous profitons de cette redécouverte pour demander aux personnes qui auraient des éléments complémentaires relatifs à Corre et à ses alentours, de prendre contact avec nous. Ceci afin de nous permettre de faire avancer la connaissance du passé antique de ce secteur, géographiquement important, de tout temps, voie de jonction entre le Nord et le Sud de l’Europe, comme nous le rappelle la devise du blason de Corre « Septentionem meridionemque jungo ».

Jean-Pierre  KERRIO

Les Amis de l’Harmonium de Corre -Histoire et Patrimoine-

amis-harmonium-corre@orange.fr

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